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 Légion étrangère

 

Mon destin a commencé un mois d’octobre 1964 avec la décision de m’engager a la légion étrangère. Christian Gaillard, que je rencontrais a Angoulême, partait s'engager a la légion. Il me proposa de venir avec lui. Le lendemain nous étions dans le train en direction de Toulouse et de la caserne Caffarelli poste de recrutement de la légion étrangère.
Après avoir perçu la tenue 46, le béret vert et une rapide préparation, direction Marseille arrivé à la gare Saint-Charles. Accueilli par un sergent fort en gueule, nous embarquons dans un GMC direction le bas fort Saint-Nicolas. Pour les bleus, ambiance glaciale et coups à volonté. Au centre de recrutement légion de Toulouse j’avais sympathiser avec un pied noir du nom de Decomti. A Marseille, étant donné son age et son autorité, il avait été nommé chef de chambre. Les journées se passaient entre corvées et inspections. Le soir après l’appel c'était lui qui corrigeait les légionnaires qui s’étaient fait remarquer par le sergent d’appel. Je me souviens de soirées mémorables perché sur mon lit superposé : j’assistais au spectacle parfois très violent.
 

Mon groupe de copains se préparaient à partir pour l'Algérie et mon nom n’apparaissait pas sur la liste. Je restais très déçu et impatient de connaître les raisons. Lors de mon départ de la maison, mon père ne voulait pas que je m’engage à dix sept ans et demi. Seule ma mère signa l’autorisation et me laissa partir en me disant : "Va mon grand je te fais confiance, je suis sure que tu te débrouilleras sans problème !". Et sans verser une larme, elle me regarda partir me faisant un signe de la main et rentra dans notre maison modeste des Anglades en Charente pour y verser certainement quelques larmes sur son seul fils perdu pour quelques années.
 

 

Au bas fort, je fus reçu par le major du deuxième bureau qui m'expliqua que je ne pouvais pas partir avec mes camarades car je n'étais pas majeur et qu’il me manquait l’autorisation de mon père pour faire partit du voyage pour Colombechar. Avant de partir, ce brave Decomti, qui distribuait les corvées, m’envoya à la plonge au mess sous-officier où je restais jusqu’à mon départ pour Bonifacio le jour de mes dix huit ans. Embarqué à fond de cale du Napoléon, surnommé « la coquille de noix » vu son instabilité, je réussissais, par chance et rapidité, à récupérer une chaise longue et à m’attacher à un des tuyaux qui se trouvaient au beau milieu du bateau. Me recouvrant de ma grande capote, je passais une nuit pas trop désagréable malgré une mer déchaînée qui malmenait mes camarades : ils glissaient dans tous les sens dans le vomis de certains.

Au petit matin ce fut un réveil brutal. Alors que nous débarquions sac bergame sur les épaules et sac marin en travers, nous étions obligés de marcher penchés en avant tellement nous étions chargés. Un sergent allemand, un nerf de boeuf à la main, gueulait des "Schnell !" en frappant sur les sacs des légionnaires qui traînaient. A ce moment-là, je me suis demandé ce que j'étais venu faire dans cette galère. Je passerai certains détails de l’instruction qui était très dure et très physique. Nous n’arrêtions pas de courir toute la journée.
 

Je passais mon premier noël à la légion, fête a l'époque très importante. En 1964, l’instruction se faisait une partie à Colombechar en Algérie et l’autre partie a Bonifacio en corse. Ce soir de noël, un concours avait été organisé pour élire le meilleur chanteur. Ce fut un galicien du nom de Dejésus qui remporta les deux caisses de bières. Mais il ne put les emporter car il partait pour Bonifacio le lendemain matin. Je le retrouvais quarante ans après à trois cent mètres de chez moi.