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Instruction

 

 

Mon pote Aimar (non-légion)

 

Le premier déserteur de ma section s'appelait LINDER. Il était allemand. Il n'avait pas supporté certaines violences; il n'avait pas finit le pauvre !
Quelques jours après nous revenions du réfectoire au pas cadencé. J'entendais des coups de sifflets irréguliers lorsque le caporal nous fit arrêter derrière les bâtiments de la  première compagnie... où nous attendait l'adjudant Bujarski notre chef de section : "A GAUCHE GAUCHE". Et là, face à nous, en contrebas dans la poussière et les cailloux, le visage couvert de poussière et de sang, un sac de cailloux sur le dos, le légionnaire Linder courait ou rampait au gré des coups de sifflets : c' était la fameuse pelote, en vigueur dans les locaux disciplinaires.
L'adjudant nous posa la question : "Vous reconnaissez votre camarade ? Alors avis aux amateurs ! A droite ! Droite en avant !". J'allais finir mon troisième mois d'instruction quand le commandant de compagnie me fit appeler dans son bureau :  
 

Aimar "Non légion" 

 

_ Légionnaire GALTIER, matricule 140831, à vos ordres mon capitaine !
_ J'ai une très mauvaise nouvelle à t'annoncer... ton père vient de mourir (il avait 53 ans). Sois courageux et rejoins tes camarades.

Je me retrouvais en train de marcher au pas tout en pensant a mon père et les bons moments que j'avais passé avec lui à braconner sur la touvre. Quand le caporal gueula mon nom en disant : "Galtier ! Tu chantes ou tu veux que je t'aide !".  Malgré le chagrin, je continuais mes classes sans pouvoir me rendre à l'enterrement de mon père.
 

 

Linder, après la pelote et la prison, ne revint pas dans la section. Pendant les appels du soir, j'avais sympathisé avec un garçon qui me faisait beaucoup rire, A.Aimar, qui lui aussi se demandait ce qu'il faisait à la légion. Plus âgé que moi, il avait un passé plutôt mouvementé. Tous les deux nous nous remontions le moral. Dans la deuxième section j'avais un autre copain qui était un fou de parachutisme. Quand on nous demanda si il y avait des volontaires pour le 2eme REP, Roudier, c'est le nom de mon copain, me dit : "Viens ! Tu verras ! C'est super !". La semaine suivante, avec les volontaires de la 2ème compagnie, nous partions en camion en direction de Solenzara, où il était question de baptême de l'air dans un nord atlas. Après les routes corses dans les camions bâchés, j'avais un peu l'estomac retourné et ce qui allait suivre n'allait pas arranger les choses car, dans l'avion, le sergent instructeur voyant nos mines pâlichonnes, se mit à hurler que si il en voyait un vomir, il lui ferait nettoyer à coups de pieds ! Malgré les trous d'airs et l'appréhension, la journée se termina sans problèmes.

Nous arrivions au termes de nos six mois d'instruction quand un fait très grave survint. Nous étions au champs de tir sur la route de Propriano. La section partagé en deux, un groupe au tir, un autre a l'ordre serré, dans la baraque qui servait d'entrepôt pour les munitions. Un garde avait été nommé, c'était un légionnaire de la 1ère section du nom de Fabiani, d'origine sicilienne. Il portait de grosses lunettes noires. Il était un peu la tète de turc de sa section. Quand, soudain, on entendit tirer sur la route. Quelques instants après, le fonctionnaire caporal Molias vint voir les sous-officiers au pas de tirs et, sans rien nous dire, on commença à nous distribuer deux cartouches pour notre fusil mas 49/56. Pendant une semaine, nous allions ratisser tout le sud de la corse, à la recherche de Fabiani car il venait de tuer deux caporaux et de blesser deux autres. Les ordres étaient de l'abattre si nous le débusquions. Mais heureusement le destin nous épargna cette corvée car il fut trouvé mort par la PM, la tète à moitié dévorée par les bestioles, et fut enterré au carré légionnaire du cimetière de Bonifacio.

Pratiquement en fin d'instruction, nous avons créé le camp de l’os-pédale avec des moyens naturels. Nous avons aménagé tout le plateau. En fin d'après-midi, alors que nous étions rassemblés, une Jeep arriva à toute vitesse dans le chemin. Elle traînait trois déserteurs, attachés avec des menottes, au bout d'une corde, en sang. Les vêtements déchirés et apparemment épuisées, certainement pour avoir couru derrière la jeep, ils restaient comme mort quand la PM les fit relever à coups de pieds dans le corps. C'était trois italiens de ma section qui avait essayé de voler un avion de tourisme. Encore une fois, on avait tenu à nous les montrer pour nous enlever toute idée de désertion.

Après deux mois de stage " frack " combat anti-chars dans le froid et la neige à Corté, nous voilà rassemblés dans la cour, le chef une liste à la main, faisant l'appel des noms pour différentes affectations. Les appelés pour le 2ème rep : "Roudier ! Aimar! ". J'attendais l'appel de mon nom, mais toujours rien quand, soudain : "Galtier 1er RE !". Une grande déception m'envahissait et j'allais devoir me séparer de mes copains avec qui j'avais surmonté ses huit mois d'instructions particulièrement éprouvant. Sur mes deux copains partis au rep, le premier finit comme caporal chuteur opérationel, et Aimar mon pote, aura disparu sans laisser de traces malgré les recherches effectués par moi pour se retrouver !
 

mes amis de la MPLEAprès un retour sur Marseille dans des conditions plus agréables, j'arrive à la MPLE à Aubagne au 1er RE. Le sergent Fessman présente les nouvelles recrues au chef de musique SELMER COLLERY. Mon tour arrive, on me donne un tambour et après avoir donné nom et matricule, l'impressionnant chef me demanda de jouer quelque chose. A l'age de dix ans avec ma sœur ainée nous nous étions inscrits à la clique de Saint-Cybart à coté d'Angoulême. Sans me demander mon avis, je m'étais retrouvé à apprendre le tambour et venir chaque semaine répéter dans une salle de sport ! Après avoir marché quatre kilomètres avec ma sœur, nous devions revenir à la maison le tambour sur le dos et toujours à pieds. Au moment de l'engagement, une feuille de renseignements est donnée aux bleus pour pouvoir les orienter. Ayant quitté l'école à 14 ans sans diplôme et qualification, je n'avais rien à mettre dans cette feuille. Quand sur la fin, la question était : "Aimez-vous la musique et avez-vous pratiqué un instrument ?". Tout content de pouvoir inscrire quelque chose, je signais mon destin, ce qui expliquait ma présence devant le chef de musique qui après avoir entendu un semblant de 1ere marche tambour, m'invita à prendre la porte en disant à son adjoint que je n'étais pas bon ! Dans le couloir des baraques fil lots, j'attendais mon sort quand Fessman vint me voir en me disant qu'on allait peut-être me garder et m'apprendre la musique, malgré ma prestation de mauvais amateur.

Ce fut Salinas, un espagnol, qui fut chargé de m'apprendre le solfège l'alto mi bémol dit la " pichotte " en raison de son manque d'intérêt. En 1966, ce fut le grand retour de la légion sur les champs élysées pour le 14 juillet. Elle n'avait pas défilé depuis 1958, interdit par le général De Gaulle au lendemain du putsch d'Alger. Réveillés à quatre du matin, à sept heures nous étions déjà en place sur les champs. Les chasseurs vêtus de blanc nous précédaient avec leur musique au rythme de 160 pas minute. Puis ce fut notre tour. Les gens pleuraient, jetaient des fleurs, criaient : "Vive la légion !".  Ces personnes, qui avaient tout perdu, voulaient saluer cette unité qui avait tout fait pour ne pas en arriver là. Nous marchions au pas légion de 80 pas minute sur un tapis de fleurs. Comme jeune légionnaire, ce défilé restera gravé dans ma mémoire jusqu'à la fin de mes jours.
 

 

 MPLE en 1966 chef de musique : Selmer Collery

Au bout de six mois, j'avais les meilleurs résultats de mon groupe. A tel point que je ne voulais plus continuer à la musique. Je demandais un rendez-vous au chef de musique pour lui demander une nouvelle affectation. La réponse fut : "Tu es ici pour 5 ans et tu resteras ici ! Rompez !!!!". Le soir même je partais en stop rejoindre un copain d'école qui effectuait son service militaire au 1er RCP a Pau. Après cinq jours de java, je prenais la décision de rentrer à Aubagne avant d'être recherché comme déserteur.
Présenté par la PM au deuxième bureau, je m'attendais à recevoir une raclée quand, face au mur au garde-à-vous, on m'entraina dans la pièce. Là, droit comme un "i", je me présentais et racontais une histoire de cafard que je due répéter au moins trente fois, tout en me tournant autour, guettant la moindre faute pour me corriger. Après une heure d'interrogatoire, verdict : 60 jours de prison dont trente de cellule. Emmené directement à la prison je me retrouvais à poil face au mur à attendre une décision sur mon sort. Deux heures après, on me jetais une paire de treillis deux fois trop grande, des godillots sans lacets, et la boule à zéro. Je prenais le chemin de la cellule 67 pour un mois. Les deux premier jours en guise de repas on me donna un morceau de pain, avec un quart de flotte, et je m'affolais en croyant que je n'aurai rien d'autre a manger pendant un mois. Finalement, la gamelle arriva normalement. Au bout d'un mois d'isolement, sale et une barbe de un mois, je rejoignais une cellule collective et commençais à travailler. Je fus mis corvée de poubelle, place réservée aux longues peines.

Pendant ce mois je commençais un commerce qui devait me rapporter un peu d'argent. Il s'agissait de récupérer les tenues diverses que jetaient les libérables à leur passages à la CAPLE. Le ramassage des ordures étant le meilleur endroit pour débuter ce business. En passant devant la musique, je laissais les effets à un légionnaire en lui demandant de me les laver et de me les mettre de coté.

Mes soixante jours terminés, je passais devant le chef de musique adjoint Janssen qui me dit : "Qu'est-ce qu'il t'a pris ! Un légionnaire comme toi, bien noté, le meilleur en solfège de ton groupe !". Et rajouta : "Je ne te comprend pas". Et me dit-il : "Voilà ce que je te propose : le légionnaire Tibor, corniste, vient de déserter. La place est libre si tu veux. Je te mets au cor d'harmonie pendant un mois, et, si tu me joues les marches de la giberne et que tu désires rester, je te garderais au cor sinon, je t'enverrai dans le régiment de ton choix !". Discours que j'appréciais, car c'était la première fois qu' on me donnait le choix. Gaucher depuis toujours, le cor se jouant de la main gauche, je progressais très vite et, venu la fin du mois, je prenais la décision de continuer.

L'année 1967 venait de commencer. Devant mes progrès le sergent espagnol Geona parla à son professeur de clarinette, M. Caillol, qu 'un jeune légionnaire avait des capacités au cor. Il lui répondit qu'il en parlerait à Raymond son ami le professeur de cor, Raymond Deschamps, qui faisait parti du quintette à vents avec pierre Barbizet, le directeur du conservatoire de Marseille, qui décida de m'auditionner.

 

Je jouais sur un vieux quesnon de l'armée et il me demanda de jouer une des gammes de la méthode Devémy. Après m'être exécuté, il me conseilla vivement de changer d'instrument. Ce que je fis quelques mois plus tard en achetant mon premier alexander ascendant avec l'argent des tenues revendues.

Monsieur Janssen, devenu chef de musique de la MPLE, m'accompagna au bureau du smole qui se trouvait dans l'enceinte du haut fort Saint-Nicolas, à Marseille, où il ne faisait pas bon venir un an auparavant. En effet, ces locaux étaient occupés par la compagnie disciplinaire qui avait quitté dzénien bou-rez en Algérie.

A ce propos je me rappelle au moment de l'engagement au bas fort d'un incident qui a mal tourné pour un légionnaire espagnol : nous étions une dizaine d'engagés alignés sur un rang dans la cour à coté de l'infirmerie pendant le mois de décembre. Le caporal chef infirmier devait nous vacciner pour le typhus et la tabdt. Il nous demanda de nous mettre torse nu,  et commença de nous planter les aiguilles dans le dos. Après avoir injecté les vaccins aux deux premiers, il nous dit qu'il devait aller chercher d'autres vaccins. En fait, il était partit boire quelques bières pendant que nous, nous nous gelions avec nos aiguilles dans le dos. Une heure après, il finissait son travail. Mais arrivé devant l'espagnol, qui était le dernier, celui-ci sortit un immense couteau à cran d'arrêt en lui criant "Icko pouta je vais te tuer !". L'infirmier partit au poste de police en revenant avec la PM qui, après l'avoir désarmé, l'emmenaire à la CD à moitié assommé, trainant les pieds. Pendant ces huit mois d'attente, je ne l'ai plus jamais revu !!!!